asphalte-et-cumulus

je ne vous connais pas, je vous frôle, là sur le quai, épaule contre épaule

Lundi 18 février 2008 à 15:26

"    Cher Louis.

Je me suis trompée. J'avais mal estimé la chose. La dernière fois, je vous avais dit que je vous écrirais quand elle l'aurait quitté. Mais non, finalement. Je vous écris pour savoir si vous lui avez envoyé une carte, un mot pour la féliciter. La féliciter...? Mais si, je sais que vous savez de quoi je parle. Ou plutôt de qui je parle. D'elle, bien sûr. Elle l'a épousé, lui. Vous vous rendez compte ? VOUS VOUS RENDEZ COMPTE ? ... Oui, certainement. Vous n'êtes pas idiot, je le sais bien. Mais quand même... elle l'a épousé. Ou bien c'est lui qui l'a épousée. Il y a une petite différence entre ces deux phrases, j'imagine que vous la percevez. De toute façon peu importe. Elle et ses épousailles, c'était encore un prétexte. D'ailleurs, vous aurez remarqué que ça fait déjà un petit moment que c'est fait, et que je ne vous ai pas écrit immédiatement après. Je voulais le faire, à vrai dire. Mais j'ai pas eu le temps. Puis j'ai oublié. Puis j'y ai repensé, et je me suis dis qu'il valait mieux attendre un peu. Au cas où vous vous poseriez des questions, au cas où vous vous attendiez à recevoir une de mes lettres. J'aime imaginer que vous attendez mes lettres. Je sais très bien, pourtant, que ce n'est pas ce que vous faites. Je me demande même si vous les recevez, mes lettres. Oh, et puis je sais que je vous dis tout le temps la même chose. Que je ne cesse de douter. Je doute en permanence. Comme tout le monde, non ? Vous aussi vous doutez, n'est-ce pas ? Un artiste qui ne doute pas, c'est inconcevable.

... cette lettre ne mène à rien. Comme d'habitude. Mais tant pis. Au point où j'en suis, ça n'a pas grande importance. Vous ne me répondez pas, et vous ne me lisez probablement pas ; en réalité, je n'ai quasiment aucune chance de passer pour une idiote.
Alors dans ce cas, cher Louis, je peux sans honte vous dire que je vous réécrirai très certainement. Je ne sais pas encore pour quelle occasion. Mais je trouverai bien, ne vous faites pas de soucis...

Avec toute mon affection,

la groupie.   "

Samedi 9 février 2008 à 19:48

Parfois, il se passe des trucs marrants. Parfois. L'autre jour, par exemple. L'autre jour, par exemple, je me suis décidée à aller rendre un livre à la bibliothèque. Enfin quand je dis "je me suis décidée à", ça veut dire "une chose indépendante de ma volonté m'a poussée à". Je crois vraiment que je ne décide jamais rien. Je crois que personne ne décide vraiment. Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui même, je suis arrivée à cette conclusion (pas toute seule...), et que demain, peut-être, je trouverais cette idée parfaitement absurde. Je pourrais même, avec un peu de bonne volonté, faire venir mon webmaster, et ainsi démolir moi-même mon argument, comme ça, sur le champ. Ce que je fais d'habitude, quoi. Mais j'ai la flemme. Le webmaster ne répond plus au téléphone. Et pour tout dire, ça m'arrange bien, parce que ce n'est pas de ça dont je voulais parler. Je parlais d'un livre, au début, et d'un "truc marrant". Le livre, c'était un recueil de poèmes, des poèmes d'Apollinaire. Quelque chose de sympathique à lire. Vraiment. Un recueil avec des poèmes que j'aimais bien, avec un poème, qui bizarrement, ne me lâchait pas, ou plutôt, avec un poème que je ne voulais pas lâcher. Un livre qui avait cherché à faire partie de ma chambre, que j'avais volontiers laissé entrer, et qui y avait trouvé sa place sans encombre.  Et franchement, ça m'embêtait de devoir le rendre (soit dit en passant, je trouve mes deux dernières phrases affreuses, sur le plan des sonorités -trop de r- ... mais c'est bien quand même ; on dira, dans un commentaire littéraire, que ça exprime ma répulsion à l'idée de me séparer du livre... hum). Bon, donc je prends le chemin de la bibliothèque. Comme je suis pressée, je trouve le moyen de m'arrêter chez un bouquiniste. Je me dis que je ne vais pas y rester longtemps, juste le temps de voir si, par hasard, ils n'auraient pas l'un des bouquins que je devrai lire pour dans un mois. Je cherche. Je fouille. Je me perds dans les quatrièmes de couverture. Je m'extasie devant une vieille édition. Je compare les trois exemplaires d'un même livre, que bien sûr, je n'ai nullement l'intention d'acheter. Je pars en quête des anciens lecteurs, à travers les pages annotées, les mots soulignés. Puis une lumière. Un livre blanc. Bien blanc. Quasiment trop blanc. Troublant, presque, au milieu de tous ces autres livres abîmés, jaunâtres, cornés. Je le prends. Et là, évidemment, il s'agit du recueil d'Apollinaire. Un dans la main, un dans le sac. Je suis riche. Je paye, et je repars. Le vendeur m'a donné un sac en plastique avec le livre. Comme si j'en avais besoin... Je sors le livre de son sac plastique, je l'ouvre et évidemment je tombe sur le poème que je ne voulais pas lâcher. Oui, évidemment.
Le livre. Le poème. La joie.
Le sourire du crétin satisfait ! Je suis sûre que j'avais ce sourire là. Même s'il s'agit d'un sourire figé dans une expression, et que chacun peut donc imaginer le sourire qu'il veut.

***

La nuit
S'achève
Et Gui
   Poursuit
Son rêve
Où tout
Est Lou
On est en guerre
Mais Gui
N'y pense guère
La nuit
S'étoile et la paille se dore
Il songe à Celle qu'il adore

***

Pourquoi lui ? Parce que.
Je ne vois que ça.

Mardi 29 janvier 2008 à 23:06


" Nous marchons à la rencontre de l'amour et du désir. Nous ne cherchons pas de leçon, ni l'amère philosophie qu'on demande à la grandeur. Hors du soleil, des baisers et des parfums sauvages tout nous paraît futile. Pour moi, je ne cherche pas à y être seul. J'y suis souvent allé avec ceux que j'aimais et je lisais sur leurs traits le clair sourire qu'y prenait le visage de l'amour. Ici, je laisse à d'autres l'ordre et la mesure. C'est le grand libertinage de la nature et de la mer qui m'accapare tout entier. Dans ce mariage des ruines et du printemps, les ruines sont redevenues pierres, et perdant le poli imposé par l'homme, sont rentrées dans la nature. Pour le retour de ces filles prodigues, la nature a prodigué des fleurs. Entre les dalles du forum, l'héliotrope pousse sa tête ronde et blanche, et les géraniums rouges versent leur sang sur ce qui fut maisons, temples et places publiques.Comme ces hommes que beaucoup de science ramène à Dieu, beaucoup d'années ont ramené les ruines à la maison de leur mère. Aujourd'hui enfin leur passé les quitte, et rien ne les distrait de cette force profonde qui les ramène au centre des choses qui tombent."


Albert Camus, Noces

Un extrait...sélectionné parmi d'autres sélectionnés. Ce n'est pas clair. Ce n'est pas grave. Je veux juste une trace, une trace d'un jour, une trace d'aujourd'hui. C'est idiot et ça ne l'est pas en même temps. Enfin, bon, moi je me comprends...

Samedi 19 janvier 2008 à 23:26

Je descends toujours à pied. Je veux dire, je ne prends pas l'ascenceur pour descendre. Parce qu'il faut l'attendre, et ça m'énerve. Vous me direz, pour monter, il faut l'attendre aussi. Sauf que quand je descends, ça veut dire que je pars. Et si je pars, c'est que je suis en retard. Donc pas question de l'attendre. Et puis si on regarde bien, un ascenceur, de toute façon, ce n'est pas fait pour descendre, c'est fait pour monter.
Attendre l'ascenceur...monter dans l'ascenceur...monter en ascenceur... monter en ascenceur...monter en ascenceur...sortir de l'ascenceur. Je crois que ça m'arrive environ une fois par semaine. Je monte à pied presque autant de fois que je descends à pied. Je monte à pied quand je suis joyeuse, je monte à pied quand je suis en colère, contre moi, contre les profs, contre les gens, je monte à pied quand je suis affamée, je monte à pied quand j'ai des choses à faire, je monte à pied quand je suis triste, je monte à pied quand quelque chose m'agace, je monte à pied quand j'ai la tête ailleurs, je monte à pied par habitude. Et quand je prend l'ascenceur, c'est que je me laisse couler, que je veux que plus rien n'arrive. Et au fond, c'est très logique. Comme si l'ascenceur devait m'aider à remonter. Il faut bien monter, alors je monte. Mais pas vraiment de ma propre initiative. J'ai besoin d'une aide. Quand je prend l'ascenceur, c'est que je ne vais pas bien. Le jour où je n'appuierai pas sur le bouton, c'est que j'irai affreusement mal.

Ah, ah, j'oubliais... Je prends aussi l'ascenceur quand je tombe sur des individus qui attendent l'ascenceur. Parce que chez moi, c'est mal fichu, on ne peut prendre les escaliers si des individus attendent l'ascenceur. Alors, j'attends avec eux, et même parfois, je fais la conversation... Mais souvent... Souvent je m'amuse, une fois dans l'ascenceur, à dire "Quel étage ?", et à observer l'effet produit. Comme si. Comme si tout d'un coup, l'autre en face allait se retrouver "en apesanteur". Comme si.
   S'ils savaient, ces chers individus... s'ils savaient comme ils m'ennuient à attendre leur ascenceur !

Pour les plus cultivés, vous aurez remarqué la "sublime" référence à Anne Sylvestre dans mon titre. Et, oui, que voulez-vous, on ne refait pas son enfance. J'écoutais ça, moi. Et bien pour tout vous dire, je viens de me rendre compte qu'elle a tout à fait saisi l'ampleur du truc : certes les escaliers peuvent faire mal aux pieds, mais comparé au mal de coeur provoqué par l'acenceur, ce n'est absolument rien...

Samedi 5 janvier 2008 à 22:55

Le premier janvier, il y a des gens qui font un footing sur une pseudo-montagne. Il y des Allemands qui viennent regarder ma ville du haut de cette pseudo-montagne. Il y a des vieux couples qui se promènent lentement sur cette pseudo-montagne. Il y a des paresseux qui prennent le téléphérique pour  atteindre le "sommet" de cette pseudo-montagne. Il y a des quinquagénaires qui viennent manger une salade à un prix ne défiant pas toute concurrence dans le "restaurant" du sommet de la pseudo-montagne. Il y a moi, qui visite tout à fait par hasard une expo d'art contemporain, au sommet de cette peudo-montagne, et puis qui dit "heureusement qu'on est venu aujour'hui, sinon on l'aurait ratée". Et puis qui dit "je ne veux pas descendre par ces horribles escaliers".

Non, non, je n'ai rien contre toutes ces personnes. Mais quand même, je les trouve toutes bien... inutiles ? frivoles ? inconsistantes ? infortunées ? désabusées ? ... humaines ?

Oui, oui je prend un ton presque larmoyant, j'adopte l'attitude du philosophe examinant l'homme (hein?), je choisis une vision pessimiste insistant sur la vanité des choses. Je me la pète. Y'a des jours où on ne peut pas faire autrement, que voulez-vous... Ho ho, redescends sur terre, veux-tu ? NORMALEMENT, on souhaite une bonne année à ses lecteurs, quand on écrit son premier article de l'année. Ouais, ouais, je sais. Sauf que y'en a tout plein qui l'ont déjà fait à ma place, et qu'après tout, je m'en fous. Après tout, tout le monde s'en fout. Mes lecteurs, si j'en ai, ça va leur faire une belle jambe de savoir que je leur souhaite une bonne année ! Mais enfin ! On se souhaite la bonne année parce que c'est comme ça, et puis, ça fait plaisir de savoir qu'il y a des personnes qu'on apprécie qui souhaitent qu'on passe une bonne année, non ? Quel optimisme ! J'adore. Parce qu'on ne dit "bonne année" qu'aux gens qu'on apprécie ? Ah ouais ? Ben alors c'est cool, personne dans ce monde n'est hypocrite. Mais quoi, il faut bien marquer ce changement, cette ère nouvelle qui s'ouvre ! Mais oui, très certainement ! D'ailleurs, tout le monde a remarqué ce changement. Tiens petit exemple : si je dis "195 = 194", si on a quelques notions de mathématiques, on me répond "c'est faux". En revanche, si je dis "2008 = 2007", je pense que mêmes ceux qui n'entendent rien à ces sciences formelles que sont les mathématiques me diront que ce n'est pas forcément faux, en ces premiers jours de janvier 2008. Franchement, où est la nuance ? Je ne la vois pas, et je pense que je ne la verrai jamais.  L'exemple est mal choisi. On ne fait pas de telles comparaisons, ça n'a aucun sens ! Tiens donc, je voudrais bien savoir pourquoi ? Mais enfin… Euh de toute façon, 2007 n'est jamais égal à 2008, c'est quoi cette histoire ?!  Bon OK, OK. Qu'il en soit ainsi ! Alors maintenant, pourquoi ne pas souhaiter une bonne année à ces lecteurs, tous ces gens qui me permettent de vivre décemment ! Mais parce que. Très bien, très bien, puisque c'est comme ça, je vais le faire moi-même : très chers lecteurs d'asphalte-et-cumulus, nous vous souhaitons une excellente année, pleine de bonheur, de joie, de Bonheur et joie ça exprime la même idée, idiot ! C'était pour insister ! La grande littéraire n'a pas reconnu ? Figure d'insistance, ça existe, non ? J'en sais rien, mais de toute façon, c'était de trop. Je veux bien tolérer les vœux, mais pas ces mièvreries derrière ! C'est même pas sincère ! Et en plus, ça n'arrivera pas ! Evidemment, puisque c'est ce qu'on souhaite ! On ne souhaite pas ce qui arrive !

Le diable ! C'est qu'il aurait presque raison...



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