La tortue avance lentement sur des bancs de sable infinis. Elle ne connait pas le monde, il tourne trop vite pour elle, elle n'a conscience de rien, elle oublie. Jamais elle ne verra les choses telles qu'elles sont, jamais elle ne les comprendra, mais ça ne fait rien, de toute façon. Elle se fiche de la présence, depuis longtemps, elle ne cherche plus la cohérence.
Sa carapace est fissurée, et bientôt ce sera la mort. Mais elle s'en fiche, elle avance, elle avance toujours et encore. Sans but déterminé, elle suit à la fois ses amis et ses ennemis, elle pourtant capable de les distinguer.
Parfois la tortue part nager à travers l'océan aux courants infinis. Et tout à coup, elle croit comprendre que rien n'est plus beau, que rien n'est plus doux que de se laisser porter par les eaux. Ces eaux lointaines et familères, froides et chaudes, perfides et protectrices, lui apportent pour un temps ce qu'elle ne peut et ne sait trouver sur le sable.
Alors, pendant l'un de ces rares moments où elle pense accéder au bohneur, nageant dans les eaux bienfaisantes, elle tombe, naïve, dans son propre piège, et commence à se délecter de ce qui causera sa mort ; avidement elle avale le plastique.
Comprenant lentement que son inutile existence se termine, elle retourne agoniser sur le sable, meurt sur le dos, les pattes tendues vers le ciel, dans un espoir ultime. Et cesse alors sa torture.
(Le but de ce texte n'est ni de lutter pour la protaction de la biodiversité ni de donner une image négative de la tortue...)