asphalte-et-cumulus

je ne vous connais pas, je vous frôle, là sur le quai, épaule contre épaule

Vendredi 12 décembre 2008 à 23:14

Je l'ai dit, j'ai emprunté Un désir fou de danser à la bibliothèque. Je voulais en garder quelque chose, alors j'ai pris un carnet, et j'ai recopié des paragraphes entiers du livre à l'intérieur.

Quelques extraits, donc, que je recopie de la copie que j'en ai déjà faite... toujours selon la même règle : recopier ce avec quoi je suis d'accord, ce avec quoi je ne suis pas d'accord, ce dont je ne sais que penser, et/ou ce que je trouve intéressant sur le plan de l'esthétique.

"elle me regarda d'un air bizarre comme si je n'étais pas là, comme si je n'étais pas moi, à la fois terriblement présente et terriblement lointaine, sans voir ni sentir la neige qui tombait sur ses cheveux ébouriffés"

"- Vous avez une drôle de manière de dévisager les gens, reprit-elle.
- Non.
- Comment non !
- Je regarde les yeux qui me regardent"

"De nouveau, ma pensée rejoignit Maya. Pour l'instant, c'est encore Maya. Tu es différente, Maya. Je ne sais pas pourquoi, le sais-tu, toi ? Je sais seulement que tu l'es. Différente, à part. J'aime être avec toi. J'aime que tu sois là. Quand tu es là, j'aime jusqu'à ces murs qui me séparent de la prison des hommes.
Maya,comme d'habitude, n'est pas d'accord : tant pis, mais elle refuse de parler. Une voix en moi répond : " Le monde n'est pas une prison et l'autre n'est pas ton geôlier. Souviens-toi, Doriel ; tu aimes la métaphysique plus que la psychologie. La magie de l'autre tient à ce qu'il te permet de te définir sans pour autant limiter tes choix. En vérité, l'autre est ta liberté plus que ton enfermement.
[...]
Tu m'es proche, Maya. J'aime ton yiddish mélodieux et l'idée que ton savoir enveloppe le mien me rassure. Tu souris ? Tu me connaît surtout dans ma folie brumeuse, même quand je doute de ton pouvoir et des moyens qui me permettent de lui résister. Mais sais-tu qui je suis quand je ne suis pas moi-même ?
Maya répond qu'elle le sait, mais qu'elle préfère me l'entendre dire."

" Je me souviens, non sans nostalgie, de la solitude partagée avec mon père. et c'est alors une émotion puissante, mais délicate qui m'étreint. Je n'avais que lui et lui n'avait que moi. lorsque je pense à la succession des heures et des nuits qui passent, c'est son visage qui en porte les signes. La faim qui secouait son estomac, c'était la sienne aussi. Pour moi, il était le commencement comme il était la fin. Mon rêve inavoué ? redevenir enfant pour ne plus souffrir de la honte des adultes."

"-Tu veux mourir ?
- Non.
- Vivre ?
- Non plus.
- Que veux-tu ?
- Je ne sais pas. Je sais seulement que je dois m'en aller.
- Est-ce une fuite ?
- Possible.
- Une fuite de ou vers quelque chose ?
- Les deux peut-être."

" A chaque femme que je croisais, au milieu d'un parc ou dans l'autobus, c'est Ruth qui me toisait. C'est stupide et insensé, mais il m'est même arrivé de la retrouver dans un visage d'homme. je ne savais plus où me fourrer : où se cache-t-on de soi-même ?"

" C'est avec lui que je me promenais parfois le soir admirant le coucher du soleil sur les collines et les domes de la Vieille Ville. J'aimais, j'aime encore ces heures là. De jeunes talmudistes se dirigent vers les groupes d'hommes en prière. Des mendiants me bénissent ; je vide mes poches pour remplir les leurs. les ombres d'hier se détachent de murs et envahissent la mémoire des passants et les fantasmes des fantômes. parfois, écoutant le muezzin appelant les fidèles à la prière à la mosuée al-Aqsa, Haïm-Dovid se bouchait les oreilles, pas moi. Moi j'aimais, j'aime encore absorber le bruit du vent secouant les arbres, le murmure des désespérés, le chant langoureux des déshérités et  des errants. Même quand je ne suis pas à Jérusalem, je suis assez fou pour vivre dans ses souvenirs en y intégrant les miens.Moi, en ce temps là, à Jérusalem, j'aimais être seul, vraiment seul. Je n'étais pas encore frappé de folie, comme vous pourriez le croire, ou de malédiction, comme le pensait mon ami HaÏm-Dovid, mais je ne saurais dire pourquoi j'aspirais à me tenir éloigné des gens, quels qu'ils fussent."

"- En fait, Dieu est plus seul que la plus solitaire de ses créatures, car Il ne peut pas ne pas être. Serait-il fou, Lui aussi ?
- Si vous pensez me choquer, Doriel, c'est raté. Je ne suis pas croyante. Et vous ?
- Je ne sais plus. Autrefois je l'ai été. Maintenant, les choses ont changé. il m'arrive de penser que je suis fou tantôt parce que j'ai encore la foi, tantôt parce que je ne l'ai plus. Nietzsche croyait-il en Dieu avant de basculer dans la folie ? Son dernier ouvrage s'appelle Ecce Homo, "voici l'homme" : de quel homme parle-t-il ? De l'homme cherchant Dieu, ou de celui qui le fuit ? De celui qui se prenait pour Dieu, peut être ? En quoi croit-on quand on ne croit plus en rien ?"

J'aurais pu mettre d'autres extraits... j'avais trop de choix, j'ai pioché un peu au hasard, en évitant quand même les extraits trop courts, qui n'étaient que de simples phrases isolées et ne convenaient pas à ma catégorie "extraits aléatoires".

Wer hat die Wahl, hat die Qual



Lundi 8 décembre 2008 à 18:26

"alors, ce que je voulais vous montrer, c'est qu'un livre, c'est avant tout une rencontre"

voilà; je vais partir de ça. ça n'est pas de moi. Non -vous pensez bien. Cette phrase m'a longtemps fait rire, et en un sens, elle continue à me faire rire. C'est une phrase que nous a dit plusieurs fois notre professeur de français de l'an dernier (ses corrigés de dissertation étant légèrement répétitifs...).

J'ai donc rencontré Un désir fou de danser au hasard d'une promenade entre les rayonnages de l'une des bibliothèques de ma ville. Je ne sais plus ce que je cherchais. Sans doute rien. Un désir fou de danser était posé sur un présentoir en plastique. Un travail de bibliothécaire. De bibliothécaire consciencieuse (ou consciencieux ?), qui a lu un livre, l'a aimé et a choisi de le mettre en évidence pour que quelqu'un d'autre le lise ? ou de bibliothécaire fatiguée d'avoir à ranger un livre à sa place, et qui, voyant finalement un présentoir inoccupé, se décide à poser le livre dessus ? J'ai ma préférence, mais au fond peu importe.
Je vois le livre. Ni le titre ni la photo ne m'attirent particulièrement, mais je soulève quand même le livre, le retourne et parcours, par habitude, la quatrième de couverture. Mmmouais, me dis-je. Je lis les premières lignes. La première page, finalement. Bizarre, ça n'est pas si mal. Le deuxième page. La troisième. La quatrième. Et ainsi de suite. Je n'en sors plus : comment est-ce possible que je ne puisse détacher mes yeux de ce livre ? Je pense à toute allure. Trop de devoirs Pas le temps de lire. Ce livre n'est certes pas un pavé, mais il est loin de ressembler à une nouvelle. Je ne m'en sors pas. Je ne peux raisonnablement pas emprunter Un désir fou de danser. Je l'emprunte. Je l'emprunte car je ne veux pas en sortir. Je ne veux pas en sortir autrement que par la fin.

Je n'en sortirai que par la fin.
Un livre est un tunnel. La logique voudrait que l'on en sorte uniquement lorsque la lumière de la "vraie vie" finit par poindre, juste après le mot "fin". Mais la logique n'est pas reine en littérature, tout le monde nous le dit. Alors parfois, on emprunte les issues de secours. Dans un tunnel, il y a toujours des issues de secours. Les issues de secours, on les emprunte quand le tunnel est trop noir, quand on se perd à l'intérieur ; quand il est monotone et qu'on n'en voit pas la fin ; quand il nous angoisse, et que l'on a peur de ce que l'on va découvrir ; quand il est trop lumineux, et qu'on a craint de devenir aveugle... Les raisons sont multiples, et se déclinent à l'infini. Que de raisons de ne pas continuer à lire, que de raisons de dire "j'arrête. je pars".

Mais je n'avais aucune raison de quitter Un désir fou de danser. Il me semblait bien lumineux, parfois, pourtant. Lumineux... j'ai préféré pensé que j'allais être éclairée plutôt qu'aveuglée.
Maintenant, je ne saurais dire ce qui m'est arrivé. Je ne peux pas trancher.


Tout ce que je sais, c'est que j'en suis sortie par la fin.


Je l'ai rendu à la bibliothèque. L'a-t-on reposé sur un présentoir ? Moi je l'ai fait : j'en ai parlé à ceux que j'estimais pouvoir être éclairés et aveuglés par Un désir fou de danser.

Je suis devenue la bibliothécaire consciencieuse que je serai peut être un jour.


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