C'est plein de belles phrases. Ou du moins, c'est plein de phrases que je souligne.
Mais pourquoi est-ce que je souligne ces phrases ? Et bien pour rien, en fait, je crois. Parce que je souligne les phrases avec lesquelles je suis d'accord, celles avec lesquelles je ne sais pas si je suis d'accord, et parfois même celles avec lesquelles je ne suis pas d'accord. Je trouve moi-même ce comportement un peu bizarre, quand même. On dirait que j'essaie simplement de me raccrocher à des mots, à de la pensée mise en phrase. On dirait que je cherche à me prouver que j'ai lu le bouquin, quoi ! On dirait que, comme je ne sais pas quoi penser moi-même, je cherche désespérément à absorber la pensée des autres, des "Grands". Après tout, me direz-vous, les livres sont peut-être faits pour ça. Enfin, quand je dis "vous", en réalité je pense à mes profs, pas nécessairement à "vous" qui êtes en train de lire. Mes profs ont un grand refrain qu'ils nous ressortent quasiment à chaque cours : les livres, les textes, la littérature nous ouvrent aux autres, nous nourrissent, ils nous ramènent à nous-mêmes, ils nous permettent de mieux nous comprendre, ils sont une rencontre entre deux univers etc etc etc... Oui, oui, oui, c'est très beau, tout ça, mais enfin.
Tout ça se pose là, si j'ose dire.
Si les livres nous ramènent à nous-mêmes, alors je comprends pourquoi j'ai plus souvent tendance à souligner les phrases avec lesquelles je suis d'accord et à faire plus ou moins abstraction de celles qui ne plaisent pas. Sauf que, ayant pris conscience de cette "inégalité", je me suis mise à souligner aussi celles avec lesquelles je n'étais pas d'accord, en me disant qu'il ne fallait surtout pas que je lise uniquement ce que j'avais envie de lire. Ben oui, des fois que mes vagues embryons d'opinion se substituent aux fermes et stables pensées de l'auteur... Et puis comme je le disais un peu plus haut, à toutes ces phrases soulignées s'ajoutent encore celles avec lesquelles je ne sais pas si je suis d'accord : je me dis tiens, là, il a fait un effort de style, ça sonne bien, c'est joli, ça mérite certainement un petit coup de crayon. En moins de deux, je me retrouve avec une phrase soulignée. Ou deux. Ou trois. Ou quatre. Ou un paragraphe. Oui, parce que cette phrase, là, voyez-vous, elle ne prend son sens qu'avec celle qui la précède, et qu'avec celle qui la suit aussi, tant qu'à faire. Oui mais justement, celle qui vient jute après formule la même idée d'une toute autre manière, elle apporte un nuance qu'il n'y avait pas juste avant. Ah oui, c'est intéressant aussi, dit comme ça... Mais moi, ce que j'en pense... Et bien toujours pareil : rien. Absolument rien, si ce n'est que ça doit bien mériter d'être souligné, puisque c'est écrit.
Il est des jours où l'on se fait soi-même horreur. Je ne serais même pas étonnée si je me retrouvais un jour avec un livre souligné du début à la fin. Et ça ne prouverait qu'une seule chose : que j'avais un crayon avec moi quand j'ai ouvert le livre.
D'ailleurs, ça me fait penser que, si par hasard, dans mon exemplaire des Travailleurs de la mer, vous trouvez un chapitre où il n'y a pas une phrase de soulignée, cela voudra simplement dire que je n'avais pas mon crayon avec moi. Parce que si je finis un chapitre sans avoir rien souligné, c'est forcément anormal. Alors un petit retour en arrière s'impose : il me faut une phrase, une pensée, un petit quelque chose de joli à souligner avant de pouvoir lire la suite. Ce n'est pas Hugo qui a mal écrit, c'est moi qui aie mal lu. Ce n'est pas Hugo qui n'a pas su me toucher, c'est moi qui n'aie pas su être touchée. Nuance. Mais tout cela est idiot. Et je le sais. Mais il me faut ma phrase à souligner ; sinon ça ne va pas.
... en réalité, souvent, je souligne les "phrases papillotes". C'est à dire les phrases que vous pourriez lire sur les petits morceaux de papier blanc qui sont entre le papier doré et le chocolat. Vous voyez de quoi je veux parler. Quiconque a déjà mangé des papillotes Révillon connaît ces phrases. J'en connais plein par cœur ; c'est toujours les mêmes qui ressortent. C'est navrant. Rien qu'avec mes pages soulignées des Travailleurs de la mer je pourrais leur en envoyer pour dix ans de phrases inédites. Vous voyez le paquet, là, dans le rayon de l'hypermarché ? et bien imaginez-le avec un petit bandeau jaune, avec écrit en rouge "Phrases inédites à l'intérieur !". Quelle merveilleuse vision, quelle rêverie magnifique !
Et puis. Et puis il y a autre chose qui me chagrine, qui m'embête. J'ai un peu lu Nietzsche, hier et avant-hier. Le Crépuscule des Idoles. Euh, pour une future dissert' de philo, cela va sans dire. Je ne lis pas ça comme ça, en me disant "Tiens, j'me lirais bien du Nietzsche, aujourd'hui ! Voyons voir ce qu'a écrit ce brave homme...". D'autant plus que s'il y a bien un philosophe que je n'aurais pas lu de mon plein grès, c'est Nietzsche. L'année dernière, quand on m'en en parlé, il m'a fait peur. Le coup des forts et des faibles, j'avais moyen apprécié. Mais bon, cette année, j'ai une amie qui m'a dit qu'elle aimait Nietzsche. Alors je me suis dit, après tout, pourquoi pas. Lire Nietzsche est finalement assez plaisant. Du moins, Le Crépuscule des Idoles est assez plaisant, je ne connais pas le reste. Ici, il y a du cassage dans l'air -un côté Brice de Nice... pardonnez cette référence malheureuse-. Nietzsche attaque. Voilà ce qui me plaît. Et... il change de ce qu'on lit habituellement. Il a quelque chose de très novateur. bien sûr, il me semble que parfois, il va trop loin. Trop loin pour moi ; dans ma tête, je me dit "je ne peux pas cautionner un truc pareil", mais je suis forcée de reconnaître que, dans son esprit et dans sa démonstration, tout se tient. Et c'est bien ça qui est effrayant. Je peux suivre, je suis en mesure de voir où il va, d'où la perplexité dans laquelle je suis plongée une fois que j'ai fini de lire un paragraphe. Là est la différence entre Aristote et Nietzsche : je ne comprends pas Aristote, donc il n'a rien d'effrayant. Je crois avoir compris Nietzsche, et c'est ça qui me fait peur. Et comme dans la peur, il y a une part de fascination, Nietzsche reste quand même attirant.
Je commence à m'y faire...
Mais Nietzsche n'aime pas Hugo. Il ne le supporte pas. Pas du tout. Il dit que Hugo est "un phare au bord de l'océan du non-sens". Sympa. Il dit des choses tout aussi sympathiques sur George Sand, Rousseau et beaucoup d'autres encore. Il déteste les romantiques. Moi pas. Je n'ai rien contre eux. Et je prends plaisir à lire Hugo.
Et je prends plaisir à lire Nietzsche.
Pourquoi les lectures proposées en philo ne vont-elles pas tout à fait dans le même sens que celles proposées en français ?
Sans transition aucune, j'administre mes plus sincères félicitations à tous ceux qui sont arrivés jusque là (je ne me suis pas entièrement relue moi-même, vous imaginez...). Et je m'arrête ici, parce que ce n'est peut-être pas une bonne idée d'écrire des articles si longs. Mon webmaster va me dire que ça décourage les gens, et puis surtout, ça donne l'impression que je cherche à rattraper le temps perdu, à écrire ce que j'aurais du écrire. Alors qu'en fait pas du tout : je voulais simplement parler un peu de ma tendance au soulignage intempestif. Même si normalement, j'étais censée lire Aristote. Enfin, cela n'est qu'un simple détail, n'est-ce pas ?
Mais pourquoi est-ce que je souligne ces phrases ? Et bien pour rien, en fait, je crois. Parce que je souligne les phrases avec lesquelles je suis d'accord, celles avec lesquelles je ne sais pas si je suis d'accord, et parfois même celles avec lesquelles je ne suis pas d'accord. Je trouve moi-même ce comportement un peu bizarre, quand même. On dirait que j'essaie simplement de me raccrocher à des mots, à de la pensée mise en phrase. On dirait que je cherche à me prouver que j'ai lu le bouquin, quoi ! On dirait que, comme je ne sais pas quoi penser moi-même, je cherche désespérément à absorber la pensée des autres, des "Grands". Après tout, me direz-vous, les livres sont peut-être faits pour ça. Enfin, quand je dis "vous", en réalité je pense à mes profs, pas nécessairement à "vous" qui êtes en train de lire. Mes profs ont un grand refrain qu'ils nous ressortent quasiment à chaque cours : les livres, les textes, la littérature nous ouvrent aux autres, nous nourrissent, ils nous ramènent à nous-mêmes, ils nous permettent de mieux nous comprendre, ils sont une rencontre entre deux univers etc etc etc... Oui, oui, oui, c'est très beau, tout ça, mais enfin.
Tout ça se pose là, si j'ose dire.
Si les livres nous ramènent à nous-mêmes, alors je comprends pourquoi j'ai plus souvent tendance à souligner les phrases avec lesquelles je suis d'accord et à faire plus ou moins abstraction de celles qui ne plaisent pas. Sauf que, ayant pris conscience de cette "inégalité", je me suis mise à souligner aussi celles avec lesquelles je n'étais pas d'accord, en me disant qu'il ne fallait surtout pas que je lise uniquement ce que j'avais envie de lire. Ben oui, des fois que mes vagues embryons d'opinion se substituent aux fermes et stables pensées de l'auteur... Et puis comme je le disais un peu plus haut, à toutes ces phrases soulignées s'ajoutent encore celles avec lesquelles je ne sais pas si je suis d'accord : je me dis tiens, là, il a fait un effort de style, ça sonne bien, c'est joli, ça mérite certainement un petit coup de crayon. En moins de deux, je me retrouve avec une phrase soulignée. Ou deux. Ou trois. Ou quatre. Ou un paragraphe. Oui, parce que cette phrase, là, voyez-vous, elle ne prend son sens qu'avec celle qui la précède, et qu'avec celle qui la suit aussi, tant qu'à faire. Oui mais justement, celle qui vient jute après formule la même idée d'une toute autre manière, elle apporte un nuance qu'il n'y avait pas juste avant. Ah oui, c'est intéressant aussi, dit comme ça... Mais moi, ce que j'en pense... Et bien toujours pareil : rien. Absolument rien, si ce n'est que ça doit bien mériter d'être souligné, puisque c'est écrit.
Il est des jours où l'on se fait soi-même horreur. Je ne serais même pas étonnée si je me retrouvais un jour avec un livre souligné du début à la fin. Et ça ne prouverait qu'une seule chose : que j'avais un crayon avec moi quand j'ai ouvert le livre.
D'ailleurs, ça me fait penser que, si par hasard, dans mon exemplaire des Travailleurs de la mer, vous trouvez un chapitre où il n'y a pas une phrase de soulignée, cela voudra simplement dire que je n'avais pas mon crayon avec moi. Parce que si je finis un chapitre sans avoir rien souligné, c'est forcément anormal. Alors un petit retour en arrière s'impose : il me faut une phrase, une pensée, un petit quelque chose de joli à souligner avant de pouvoir lire la suite. Ce n'est pas Hugo qui a mal écrit, c'est moi qui aie mal lu. Ce n'est pas Hugo qui n'a pas su me toucher, c'est moi qui n'aie pas su être touchée. Nuance. Mais tout cela est idiot. Et je le sais. Mais il me faut ma phrase à souligner ; sinon ça ne va pas.
... en réalité, souvent, je souligne les "phrases papillotes". C'est à dire les phrases que vous pourriez lire sur les petits morceaux de papier blanc qui sont entre le papier doré et le chocolat. Vous voyez de quoi je veux parler. Quiconque a déjà mangé des papillotes Révillon connaît ces phrases. J'en connais plein par cœur ; c'est toujours les mêmes qui ressortent. C'est navrant. Rien qu'avec mes pages soulignées des Travailleurs de la mer je pourrais leur en envoyer pour dix ans de phrases inédites. Vous voyez le paquet, là, dans le rayon de l'hypermarché ? et bien imaginez-le avec un petit bandeau jaune, avec écrit en rouge "Phrases inédites à l'intérieur !". Quelle merveilleuse vision, quelle rêverie magnifique !
Et puis. Et puis il y a autre chose qui me chagrine, qui m'embête. J'ai un peu lu Nietzsche, hier et avant-hier. Le Crépuscule des Idoles. Euh, pour une future dissert' de philo, cela va sans dire. Je ne lis pas ça comme ça, en me disant "Tiens, j'me lirais bien du Nietzsche, aujourd'hui ! Voyons voir ce qu'a écrit ce brave homme...". D'autant plus que s'il y a bien un philosophe que je n'aurais pas lu de mon plein grès, c'est Nietzsche. L'année dernière, quand on m'en en parlé, il m'a fait peur. Le coup des forts et des faibles, j'avais moyen apprécié. Mais bon, cette année, j'ai une amie qui m'a dit qu'elle aimait Nietzsche. Alors je me suis dit, après tout, pourquoi pas. Lire Nietzsche est finalement assez plaisant. Du moins, Le Crépuscule des Idoles est assez plaisant, je ne connais pas le reste. Ici, il y a du cassage dans l'air -un côté Brice de Nice... pardonnez cette référence malheureuse-. Nietzsche attaque. Voilà ce qui me plaît. Et... il change de ce qu'on lit habituellement. Il a quelque chose de très novateur. bien sûr, il me semble que parfois, il va trop loin. Trop loin pour moi ; dans ma tête, je me dit "je ne peux pas cautionner un truc pareil", mais je suis forcée de reconnaître que, dans son esprit et dans sa démonstration, tout se tient. Et c'est bien ça qui est effrayant. Je peux suivre, je suis en mesure de voir où il va, d'où la perplexité dans laquelle je suis plongée une fois que j'ai fini de lire un paragraphe. Là est la différence entre Aristote et Nietzsche : je ne comprends pas Aristote, donc il n'a rien d'effrayant. Je crois avoir compris Nietzsche, et c'est ça qui me fait peur. Et comme dans la peur, il y a une part de fascination, Nietzsche reste quand même attirant.
Je commence à m'y faire...
Mais Nietzsche n'aime pas Hugo. Il ne le supporte pas. Pas du tout. Il dit que Hugo est "un phare au bord de l'océan du non-sens". Sympa. Il dit des choses tout aussi sympathiques sur George Sand, Rousseau et beaucoup d'autres encore. Il déteste les romantiques. Moi pas. Je n'ai rien contre eux. Et je prends plaisir à lire Hugo.
Et je prends plaisir à lire Nietzsche.
Pourquoi les lectures proposées en philo ne vont-elles pas tout à fait dans le même sens que celles proposées en français ?
Sans transition aucune, j'administre mes plus sincères félicitations à tous ceux qui sont arrivés jusque là (je ne me suis pas entièrement relue moi-même, vous imaginez...). Et je m'arrête ici, parce que ce n'est peut-être pas une bonne idée d'écrire des articles si longs. Mon webmaster va me dire que ça décourage les gens, et puis surtout, ça donne l'impression que je cherche à rattraper le temps perdu, à écrire ce que j'aurais du écrire. Alors qu'en fait pas du tout : je voulais simplement parler un peu de ma tendance au soulignage intempestif. Même si normalement, j'étais censée lire Aristote. Enfin, cela n'est qu'un simple détail, n'est-ce pas ?
Rhââââ, tu fais partie de cette race maudite (là je dramatise un peu quand même), ces gens qui soulignent dans les bouquins partout et font des pages des brouillons. Une phrase soulignée sur une page capte toute l'attention, j'aime pas ça du tout. Enfin si c'est sur tes bouquins, ça me regarde pas hein, tu fais comme ça te va, mais je hais d'une haine franche et sans borne ceux qui font ça sur les livres de la bibliothèque. Si j'en chope un un jour, je l'égorge avec les dents, puis je viole son cadavre. (je suis dans l'excès ce soir, j'aime bien de temps en temps)
Et puis ton tic de souligner commence à déborder j'ai l'impression. En effet, on souligne les titres des oeuvres quand c'est manuscrit uniquement, dactylographié, on met en italique. J'avais une prof qui enlevait des points si on faisait l'un au lieu de l'autre.
Un jour en terminale je me suis dit "Tiens, je lirais bien du Nietzsche aujourd'hui ! Voyons voir ce qu'a écrit ce brave homme." Et forcément j'ai pas tout compris. Du coup j'ai posé des questions à mon prof de philo, et il n'a pas su me répondre. A rien. Ce prof était une calamité de toute façon.
Bon, et puis essayons d'être positifs, se rendre compte qu'on ne pense que par les auteurs qu'on nous fait lire à la chaîne, c'est déjà penser par soi même puisqu'on s'en rend compte.