asphalte-et-cumulus

je ne vous connais pas, je vous frôle, là sur le quai, épaule contre épaule

Jeudi 9 août 2007 à 13:35

  Je n'étais pas raciste et je volais dans tous les garages, y compris celui de mes parents, qui n'était pas le plus mauvais. Un jour, j'y découvris une friandise belge que je ne connaissais pas : des spéculoos.
  J'en goûtai un aussitôt. Je rugis : ce croquant, ces épices, c'était à hurler, un évènement trop important pour le célèbrer dans un garage. Quel était le meilleurs endroit pour fêter ça ? Je le savais.
  Je bondis jusqu'à notre immeuble, montai les quatre étages en courant et fonçai dans la salle de bains dont je poussai la porte derrière moi. Je m'installai devant le miroir géant, sortis le butin de dessous mon pull et commençai à manger en observant mon reflet dans la glace : je voulais me voir en état de plaisir. Ce qu'il y avait sur mon visage, c'était le goût du spéculoos.
  C'était un spectacle. Rien qu'à me regarder, je pouvais détailler les saveurs : c'était forcément du sucré, sinon je n'aurais pas eu l'air aussi heureuse ; ce sucre devait être de la cassonade, à en juger l'émoi caractéristique des fossettes. Beaucoup de cannelle, disait le nez plissé de jouissance. Les yeux brillants annonçaient la couleur des autres épices, aussi inconnues qu'enthousiasmantes. Quant à la présence de miel, comment en douter, au vu de mes lèvres qui minaudaient l'extase ?
  Pour être plus à l'aise, je m'assis sur le rebord du lavabo et continuai à goinfrer les spéculoos en me dévorant des yeux. La vision de ma volupté accroissait ma volupté.

Amélie Nothomb, Biographie de la faim

Comment ne pas succomber aux plaisirs de la lecture d'un passage comme celui-ci ? Qui d'autre qu'elle peut décrire le spéculoos de cette façon ? Et d'ailleurs quel auteur penserait à parler du spéculoos ? Pourquoi n'ai-je que trois livres d'elle dans ma bibliothèque ? Par quel moyen convaincre ceux qui ne connaissent pas ses bouquins de vouloir les découvrir ?

Et si vous lisiez le passage où elle parle du chocolat comme étant l'aliment divin par excellence...? Et celui où elle raconte comment elle se délecte de la beauté elle-même...? Et les moments où elle relate ses surprenantes amours d'enfance...? Et...
Et merde, allez dans une librairie, une bibliothèque cette aprèm, procurez-vous vite fait bien fait cette Biographie de la faim, laissez-vous porter par cette folle enfance, affligez-vous de cet affriolant égocentrisme, goûtez à la fluidité de ses mots,  en bref, offrez-vous une petite heure de folie.
Profitez-en, aujourd'hui il pleut... Qu'est-ce que vous seriez bien sur votre canapé, ou dans votre lit, avec un bon bouquin...

tous les cris les s.o.s

crache ton venin

Par versager le Vendredi 10 août 2007 à 8:59
On est mieux comme ça que devant "Le destin de Lisa", ça, y a pas photo !
Par renata le Vendredi 10 août 2007 à 19:04
j'ai dévoré (c'est le cas de le dire) ce livre début juillet et je crois que c'est un des passages qui m'a le plus touché... merci pour m'avoir raviver ce bon souvenir :)
Par je.deuxmots le Mercredi 3 octobre 2007 à 21:26
Haaaaa, je dois résister à la tentation, biographie de la faim est dans ma pile de livres à lire, et j'ai horreur de lire des passages avant le livre complet autant que...., bref, j'en ai horreur.
 

crache ton venin









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